[Interview] Sparks - Ron et Russell Mael
Publié : 28 juillet 2021 à 13h16 par Mathieu David
Les deux frères se livrent sur leur riche et prolifique carrière.
Ce mercredi 28 juillet sort The Sparks Brothers, documentaire réalisé par Edgar Wright (Shawn Of The Dead, Hot Fuzz...), au cinéma. A cette occasion, OUI FM est allé à la rencontre des frères Ron et Russell Mael, respectivement claviériste et chanteur de ce groupe qui a su traverser les époques et les modes, sans jamais s'arrêter.
Les têtes pensantes de Sparks y évoquent leurs impressions sur le film, reviennent sur les moments forts de leur carrière et décrivent leurs différentes approches artistiques.
Les têtes pensantes de Sparks y évoquent leurs impressions sur le film, reviennent sur les moments forts de leur carrière et décrivent leurs différentes approches artistiques.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous avez été approchés pour faire ce documentaire sur votre carrière ?
Russell Mael : Edgar Wright est fan de Sparks depuis son enfance. Un jour, il est venu nous voir en coulisses après un concert à Los Angeles, et il nous a dit qu’il fallait faire un documentaire sur Sparks. Il nous a expliqué que notre histoire était unique dans le monde de la musique, il fallait la raconter à travers un documentaire. Dans le passé, nous avons hésité à en faire l’objet, nous n’avions pas reçu de proposition de la part des bonnes personnes. Mais, avec les films réalisés par Edgar, son style unique, le rôle que joue la musique dedans et l’amour qu’il porte à Sparks, cela nous a intéressé. C’est aussi quelqu’un qui estime que les albums que nous sortons maintenant sont aussi importants que les anciens, ce qui est rare pour un groupe qui en a 25 à son actif.
Ron Mael : Nous avons toujours refusé. Nous n’avions jamais trouvé utile de sortir un documentaire sur nous. Nous estimons que notre musique est plus importante que ce que nous sommes en tant que personnes. Nous avons bien sûr du respect pour les cinéastes qui nous ont approchés, mais Edgar fait la différence. Nous sentions qu’il allait nous rendre intéressant et qu’il n’allait pas fantasmer un âge d’or pour Sparks et minorer l’importance de ce qui a suivi. Cela nous a convaincu pour accepter.
Qu’est-ce que cela fait de voir l'ensemble de son oeuvre résumée en deux heures ?
Ron Mael : C’est très étrange. Nous nous efforçons de ne pas ressasser le passé quand nous faisons de la musique. Mais les intervenants, des musiciens d’horizons divers et des acteurs comme Mike Myers et des auteurs comme Neil Gaiman, nous ont vraiment inspirés. Des personnes que nous ne connaissions pas évoquent notre œuvre de manière très éloquente. Cela fait quelque chose de savoir que nous avons inspiré ces artistes à travers nos disques.
Russell Mael : Certains artistes, comme Alex Kapranos de Franz Ferdinand, ou Rody Buttom de Faith No More, ou encore Vince Clarke d’Erasure qui avait collaboré avec nous sur le morceau Amateur Hour, présent sur l’album Plagiarism, nous avaient déjà rencontrés. Mais cela nous a surpris en bien que des artistes si différents, tels que Duran Duran ou Steve Jones de Sex Pistols, aient trouvé l’inspiration avec notre musique.
Parlant de Franz Ferdinand, quel souvenir gardez-vous de votre projet commun, FFS ?
Russell Mael : C’était une belle expérience. J’ai vu des artistes inviter un musicien pour un morceau, mais je n’ai pas souvenir de deux groupes entiers collaborant ensemble pour un album et une tournée mondiale. Cet album était très spécial, ce projet était exigeant pour nos deux groupes, il a fallu abandonner une partie de son autonomie pour un résultat unique, dont nous sommes fiers.
Y a-t-il d’autres artistes avec lesquels vous souhaitez collaborer à l’avenir ?
Ron Mael : Cela peut paraître incongru, mais à l’époque où nous jouions avec FFS, nous nous sommes retrouvés à l’affiche d’un festival en Espagne [Festival Internacional de Benicassim] et Public Enemy était aussi présent. Nous sommes des fans de ce groupe, donc nous avons échangé avec Chuck D concernant un éventuel projet commun. Il s’est montré réceptif. Nous ignorons ce que cela peut donner, mais cela fait le sel de ce type de collaboration. J’espère qu’il reviendra vers nous à un moment, cela serait excellent.
Récemment vous avez travaillé à nouveau avec Todd Rungren, avec qui vous avez fait votre premier album studio, quel a été votre ressenti ?
Russell Mael : Edgar nous a dit qu’il avait contacté Todd Rungren et cela nous a plu qu’il participe au documentaire. Todd est la première personne à avoir cruen notre musique au tout début de notre carrière, il a même produit notre premier album. Nous ne l’avions pas vu depuis, sans raison particulière, nos chemins ne s’étaient juste pas croisés en 50 ans. Après l’enregistrement de son interview pour le documentaire, nous lui avons fait la surprise et nous avons aussi discuté ensemble. Cette discussion sera dans les bonus du film quand il sortira en blu-ray. Ces retrouvailles ont mené à un morceau que nous avons fait ensemble, Your Fandango. Cela nous a fait plaisir de travailler à nouveau avec Todd.
Vous avez un autre projet cinématographique, avec Anette, pour lequel vous avez écrit le scénario et la bande originale. Pouvez-vous nous en parler ?
Ron Mael : Il y a quelques années, nous avons eu l’idée de raconter une histoire dans un album, sans faire de morceaux séparés. Nous avions déjà fait une comédie musicale intitulée The Seduction of Ingmar Bergman en 2009, ce qui a été un défi et une nouvelle manière de travailler. Cela nous a inspirés pour créer Anette. Nous avons écrit le scénario presque comme de la musique, il y a d'ailleurs beaucoup de chant à travers ce film. Nous sommes donc allés à Cannes il ya quelques années dans le but de promouvoir notre comédie musicale et nous nous sommes bien entendus avec le réalisateur Leos Carax. Nous n’avions rien tenté, au début nous voulions le remercier d’avoir utilisé un de nos morceaux dans son film Holy Motors (2012). De retour à Los Angeles, nous lui avons envoyé notre projet Annette, dont il s'est occupé de la réalisation. Dans le passé, nous avions eu des projets au cinéma qui n’ont pas été concrétisés, voir celui-ci aboutir est la réalisation d’un rêve. Nous avons d’ailleurs une idée pour un prochain film que nous pourrions concrétiser à l’avenir.
Russell Mael : Pour nous, c’est intéressant de sortir de notre zone de confort et de travailler sur autre chose que des chansons de trois minutes, bien que cela nous plaise toujours. Il faut faire le lien entre toutes les parties, cela nous amène de nouvelles méthodes de travail. Ce film a une atmosphère assez sombre, du coup il n’utilise pas tous les codes d’une comédie musicale de type Broadway, cela nous donne de nouveaux défis à relever.
Votre dernier album, A Steady Drip, Drip, Drip, est sorti en pleine pandémie. Quel a été votre ressenti concernant cette période ?
Ron Mael : C’est une situation inédite, nous avons dû reporter notre tournée, qui était prévue au moment de la sortie du disque. Elle est maintenant reportée au printemps 2022, nous jouons d’ailleurs le 19 avril au Casino de Paris. Beaucoup d’artistes ont reporté la sortie de leurs albums en cette période de pandémie, mais nous avons décidé de maintenir la sortie d’une autre. En cette période de pandémie, nous pensons que les fans ont encore besoin de musique.
Cela ne va-t-il pas vous faire bizarre de tourner pour un album sorti deux ans auparavant ?
Russell Mael : Cela va être différent, vu que nous avons l’habitude de partir en tournée au moment de la sortie de notre album. Cependant, les gens auront encore plus envie de concert quand cela reprendra, donc il sera toujours temps de célébrer la sortie de ce disque. C’est toujours un dilemme de choisir quels morceaux jouer avec un répertoire de 345 morceaux, mais nous saurons quels albums représenter sur scène.
A ce propos, le film évoque cet épisode de votre carrière lors duquel vous avez fait une résidence à Londres pour jouer tous vos albums à la suite, en 2008. Est-ce une expérience à recréer un jour ?
Ron Mael : Non, on ne refera jamais ça ! [rires] A l’époque, nous avions 21 albums à jouer lors de 21 soirées. Nous les avons joués dans l’ordre en plus, donc certains morceaux que nous gardions d’habitude pour la fin du concert étaient joués au début, cela donne un drôle d’effet. La préparation était faramineuse, puisque quand nous finissons de répéter un album, nous passons au suivant, oubliant ainsi premier ! Cela nous a pris quatre mois à répéter et tout mettre en place. Quand nous avons commencé les concerts, il fallait qu’on se mette en tête le prochain album à jouer et oublier le précédent. Je ne regrette pas cette expérience, mais une fois nous a suffi.