[Rencontre] Loïc, bénévole au camp de réfugiés de Stalingrad à Paris

Publié : 4 novembre 2016 à 12h35 par Angèle Chatelier

Angèle a rencontré Loïc Horellou, un riverain qui a décidé de donner de son temps pour aider les milliers de réfugiés, en transit dans le quartier Stalingrad.

Des milliers de personnes s'investissent dans des causes humanitaires, culturelles et sociales. Parce que nous vivons une période difficile, troublée et violente, OÜI FM a décidée de donner la parole aux initiatives citoyennes qui font la France d'aujourd'hui.  Cette semaine, nous avons rencontré Loïc Horellou, un riverain qui a décidé de donner de son temps pour aider les milliers de réfugiés, en transit dans le quartier Stalingrad, à Paris. Il a créé le site Éxilés.paris pour tenter d'expliquer aux autres ce qu'il se passe. Rencontre.



Les sourcils froncés et les cheveux roux en batailles. Loïc Horellou parle avec vigueur. Son discours est marqué par de longs silences, bruts, mais nécessaires. Il ne pèse pas toujours ses mots : ses propos sont parfois durs, aussi durs que ce qu'il voit chaque jour depuis son appartement. Loïc habite dans le quartier de Stalingrad, à Paris. Quartier où stationnent des milliers de réfugiés en transit, attendant d'être reçus à France Terre d'Asile, dont il ne reste qu'un local dans le département d'Île-de-France, depuis la réforme de l'asile de novembre 2015. "On voit tous ce qu'il se passe. Puis un jour, ça se passe devant chez vous." Ce qu'il se passe, c'est la crise humanitaire et l'afflux de réfugiés en Europe, et ailleurs. Ils sont des milliers (2 000 selon la Mairie de Paris, "beaucoup plus" d'après Loïc), Somaliens, Érythréens et Afghans pour la plupart, à attendre leur sort dans le quartier Jaurès/Stalingrad. Au début, Loïc venait déposer un peu de nourriture, des duvets, des tentes... à ses frais. Mais il a vite voulu en faire plus : "J'ai commencé à vouloir alerter les politiques. Ministère de l'Intérieur, préfecture, mairie..." En le racontant, il venait de passer trois jours "non-stop" auprès des réfugiés, en les emmenant à l'hôpital (entre autres) et en faisant office de traducteur pour les démarches administratives.

Plusieurs fois, Loïc a entendu des riverains du quartier se demander pourquoi "ça" se passe ici. Il tente d'y répondre sur son site Éxilés.paris, qu'il a créé en juin 2016. Sur la page d'accueil, on peut choisir de cliquer sur "Aider" ou sur "Protester" :

"Vous en avez assez de cette situation, et considérez que la France ne respecte pas ses engagements envers les réfugiés ? Vous pouvez envoyer des messages à vos députés ou vos sénateurs via le formulaire ci-dessous."

Le message est clair.

Loïc travaille. Le reste du temps, il est graphiste et enseignant dans une école d'art. Pas militant pour un sou, il n'a jamais côtoyé les milieux associatifs. Mais il a la rage. Il dénonce un système de gestion des flux de réfugiés qui ne fonctionne pas. À Stalingrad non plus : "Ils font quatre jours de queue (devant France Terre d'Asile) pour qu'on leur donne un rendez-vous en décembre. Donc oui, en attendant, ils sont sans-papiers !" Or, pas de papiers, droit d'évacuer. Chaque semaine, les forces de l'ordre pratiquent des "opérations de contrôle". Selon Le Monde, l'objectif est de vérifier le droit au séjour des personnes présentes, et l'hygiène du campement. Certains se voient dans l'obligation de quitter le territoire, d'autres sont envoyés en centre de rétention administrative, là où ils sont retenus pour organiser leur voyage vers un pays qui accepte de les recevoir, le plus souvent celui dont ils ont la nationalité.



Tous les mois, la police évacue le campement avec "mise à l'abri". Le but : prendre en charge les réfugiés et les emmener dans les centres d'accueil et d'orientation (CAO). Là où, partout en France, les réfugiés de Calais ont été envoyés. Les opérations de contrôle, Loïc et les autres bénévoles les qualifient de "rafles", et les CAO ne sont pas assez nombreux pour accueillir tout le monde. Il prend un air ahuri et raconte l'histoire de ces réfugiés soudanais, obligés de revenir de leur CAO de Dreux pour laisser de la place à ceux de Calais. Ils ont été replacés dans un centre pour SDF Porte de la Chapelle, à Paris, où ils ne peuvent rester la journée. Un lieu "horrible" en matière d'hygiène selon l'homme qui n'en a vu que des photos.

Avant 2017, la Mairie de Paris ouvrira un centre d'accueil humanitaire dans le Nord de Paris avec "une capacité de 400 à l'ouverture, 600 ensuite" selon elle. Il aura pour but de prendre en charge les réfugiés, avant de les répartir dans des CAO.

"J'ai entendu 'il faut rouvrir les chambres à gaz'"

La violence ? Elle est présente, et pas que dans les évacuations. Loïc raconte : "Quand on commence à venir aider, on fait des gaffes." Lui aussi. La première fois qu'il est venu, il a ramené 60 kg de bananes... ce qui a déclenché une émeute. "Ce n'était pas assez" déplore-t-il. Depuis des mois, des bénévoles et associations cuisinent chaque jour pour des milliers de personnes.

La violence est aussi présente dans ce qu'il entend. Loïc a créé ce qu'il appelle "la fabrique des ténebres", un fichier qui répertorie ce qu'il a pu lire ou entendre, "là où on en est en 2016" ajoute t-il.

"Les français ont-ils le droit de ne pas vouloir de noirs dans leurs campagnes ?"

"Retour dans leurs pays et qu’ils se battent de toutes façons. Les musulmans sont tous des feignants"

"Moi j’ai une solution, les fourrer dans un bateau, et retour au bercail. S’ils ont vraiment du courage, qu’est-ce qu’ils font ici"

"il faut rouvrir les chambres à gaz"

"ils sont pires que les rats"

Mardi 1er novembre, comme tous les ans, c’est férié. Loïc ne viendra pas, sauf s’il y a une opération de police. Après trois jours non-stop à aider les réfugier, il a "besoin de travailler." Le Premier ministre Manuel Valls a annoncé l'évacuation prochaine du camp. Anne Hidalgo, maire de Paris, a rédigé une lettre rendue publique lundi 31 octobre 2016 où elle rappelle "l'absolue nécessité" de démanteler le camp de réfugiés de Stalingrad, actuellement dans une "situation humanitaire et sanitaire dramatique."

Angèle Chatelier